Vendredi 17 juillet 2020, le conseil de Métropole de Grenoble devait élire son président ou sa présidente suite aux élections des derniers élu·e·s communautaires. Depuis des semaines deux candidats avaient fait campagne : Christophe Ferrari, maire du Pont-De-Claix, président sortant proche PS (qui n’en est plus adhérent depuis 2018) et Yann Mongaburu, conseiller municipal de Grenoble, vice-président sortant de la métropole en charge des déplacements et adhérent Génération·s après avoir quitté EE-LV. Cette dernière candidature voulait traduire dans les faits le choix des électeurs qui avaient fait passer le groupe PS et apparentés (ACTES) de 22 à 15 et celui de gauche écolo et citoyen (UMA) de 28 à 39. Le groupe communiste (CCC) avait quant à lui demandé avec celui de Mongaburu une primaire préalable interne à l’ancienne majorité qui comptait aussi un groupe dit des petites communes (NMC) pour départager les deux candidats et éviter cette lutte au grand jour. Mais C. Ferrari et son groupe n’en ont pas voulu, pressentant qu’il serait battu par Mongaburu. Le PC a alors annoncé porter ses voix sur Mongaburu qui devait remporter cette primaire.
A l’ouverture de la séance du 17 juillet, le leader des élu·e·s En Marche O. Six prenait la parole pour dire de manière alambiquée qu’il ne sera pas candidat mais souhaitait une métropole apolitique toute dévolue au seul soutien économique. Le décor était planté et tout le monde comprenait que la dizaine d’élu·e·s En Marche avait choisi C. Ferrari. D’autre part le maire de droite du Sappey D. Escaron déposait sa candidature. Le premier tour donnait 52 voix à Mongaburu, 51 à Ferrari et 16 à Escaron insuffisant pour une majorité absolue requise de 60 voix. Malgré des interruptions de séance sans fin, Ferrari refusait d’entendre raison et de se retirer comme candidat arrivé 2e de l’ancienne majorité. Le 2e tour ne changeait pas grand chose : Mongaburu 53, Ferrari 51 et Escaron 15. Il faut relever qu’en plus des voix LREM, Ferrari avait obtenu dès le premier tour les voix de quatre élu·e·s d’opposition de droite grenoblois du groupe de l’ancien maire corrompu de Grenoble A. Carignon, condamné à 5 ans de prison dont 4 ferme pour corruption. Mais cela ne gênait en rien l’ancien président et ses affidés au sein de son groupe.
Le 3e tour qui ne requiert qu’une majorité simple allait être décisif. Une fois encore Ferrari faisait durer au delà de minuit les interruptions de séance qu’il passait en rencontres au vu de tous avec les élu·e·s LREM probablement en distribuant de futures places; par contre il refusait toute rencontre avec le groupe de Yann Mongaburu et le maire de Grenoble. Avant le 3e tour le candidat de droite retirait sa candidature : le chemin vers la victoire de C . Ferrari était tout tracé. Le vote donnait 62 voix à Ferrari et 54 à Mongaburu avec 3 abstentions. Un maire PS a annoncé publiquement avoir changé son vote pour Mongaburu et 3 autres du groupe de Ferrari se sont abstenus selon les analyses des votes. A noter qu’avec les voix de la droite, Ferrari a obtenu celle de l’élu du Rassemblement National. Cela n’est pas sans rappeler l’élection de Charles Millon à la Région en 1998, sauf que cette fois la voix du RN n’était pas nécessaire pour remporter l’élection.
Aussitôt élu, le nouveau président décidait de surseoir à l’élection des vice-présidents pourtant obligatoire pour l’un au moins et la séance s’achevait non sans le vote préalable de l’indemnité du président et celles des moyens des groupes politiques…
Depuis seuls sont parus des communiqués des groupes UMA et CCC demandant la démission de Ferrari. Aucun communiqué des groupes ACTES et NMC qui semblent divisés sur la suite. La Métro est devenu un vaisseau fantôme avec un DGS et un directeur de cabinet qui l’ont quitté. Quant au nouveau président il a annoncé partir en vacances en donnant rendez-vous au prochain conseil prévu le 11 septembre.
Au delà des faits quelle analyse peut-on faire de cette situation ?
Plusieurs angles de réflexion :
- L’appétit du pouvoir auquel certains ne peuvent renoncer quitte à renier leurs valeurs.
- La rivalité entretenue entre ville-centre et « petites communes » : depuis son origine, l’intercommunalité n’a jamais été présidé par un élu grenoblois. Pourtant avec 160 000 habitants sur 433 000 pour la Métro, Grenoble pèse d’un poids important dans la métropole. Celui-ci a souvent été amoindri au sein du conseil par des accords locaux pour donner plus de place aux communes moyennes. Cet argument de refus de la prétendue hégémonie de Grenoble au sein de la Métro a été un levier bien utilisé par Ferrari pour emporter les votes du groupe NMC. Dans les faits la Métro est une des métropoles les moins intégrées de France et Grenoble a gardé encore beaucoup de charges de centralité qui ailleurs ont été transférés à l’intercommunalité. On ne peut pas dire que Grenoble ait largement profité de la métropole.
- La cogestion qui longtemps a prévalu dans la communauté d’agglomération en particulier au temps du président PS Migaud qui faisait élire un exécutif avec des élu·e·s de droite comme de gauche. Le rôle des maires réunis en conférence était aussi magnifié quel que soit le nombre d’habitants des communes allant de moins de 1 000 à 160 000. Il semble que Ferrari veuille en revenir à cette situation et refuse une majorité introuvable à gauche sur son nom.
- L’absence de contrat majoritaire préalable à l’élection comme en 2014. Cette fois l’élection a eu lieu sans que ce travail indispensable puisse être mené. Le projet doit pourtant prendre le pas sur le choix du président qui aura ce mandat à remplir. Cette fois la majorité qui sortira de cet imbroglio aura toute liberté pour mener des politiques qui iront à l’encontre du travail du dernier mandat où des avancées dans la transition écologique ont pu être mises en œuvre. On peut être d’ailleurs s’en inquiéter avec l’entrée probable de la droite et de LREM dans l’exécutif…
Espérons que cette séquence se terminera par l’invalidation de l’élection et une nouvelle élection d’un candidat porté par une majorité regroupant comme à Grenoble un arc humaniste, citoyen de gauche et écologiste. Sinon la démocratie en sortirait bafouée, car le vote des électrices et des électeurs qui ont conforté les majorités de gauche et écologistes ne serait pas respecté.
Vivement l’élection des métropoles au suffrage direct sur des programmes connus à l’avance, seul moyen de sortir de ces combinaisons d’alliances contre nature !
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