Dans l’indifférence générale, la conseil de Métro du 20 décembre dernier a accordé 10 millions d’euros sur 4 ans à la filière microélectronique appelée “Crolles 2017” à la Région, rebaptisée “Nano 2017” ici pour faire croire à l’intérêt communautaire.
Pourtant un an avant presque jour pour jour, unique écologiste dans ce conseil, j’avais été seul à voter contre cette aide sans contrepartie à l’industrie micro-électronique. Quelques mois auparavant les élu-es écologistes à la Région s’y étaient également opposé-es, la déclaration de leur président de groupe, Éric Piolle, étant sans ambiguïté. On peut d’ailleurs toujours la lire et l’écouter ici. Les arguments développés alors restent pourtant toujours valables : aides sans contrepartie notamment en matière d’emplois et sans retombées sur brevets en cas de bonne fortune. Même si la révision à 10 M€ de l’aide contre 25 M€ maximum votés l’an dernier est une avancée, celle-ci était rendue inéluctable par le contexte de restriction budgétaire de la Métro qui ne permet plus de financer d’avantage sans des coupes sombres dans des programmes sociaux comme l’aide au logement social.
Il est vrai qu’un habillage de l’aide a été obtenu en ne versant pas directement aux industriels, ce que l’Europe peut condamner par de fortes amendes si elle juge la concurrence faussée, mais à des laboratoires publics du CEA, comme le LETI. Cependant la convention liant les parties continue de parler longuement des activités de production de STMicroelectronics qui est d’ailleurs signataire en tant que « chef de file du programme Nano 2017 ». Il est intéressant d’ailleurs de relever le montant des investissements en jeu : 1 milliard et demi d’euros sur 4 ans. Que pèsent donc nos 10 millions d’euros face à de telles sommes et peut-on penser qu’ils sont décisifs pour l’avenir de la filière ?
Mais ce qui me choque le plus ce sont les estimations des emplois induits générés par les emplois directs présents à Grenoble et surtout à Crolles hors de la Métro. Les chiffres issus d’un rapport commandé en 2012 au cabinet Reverdy sont cités sans la moindre incertitude avec une précision du 10 000e ! Ce rapport m’a été présenté l’an dernier au bureau de la Métro par leurs auteurs. Il contient des formules macro-économiques non justifiées sur lesquels sont basés les calculs d’emplois induits. Les coefficients utilisés sont peu précis et figurent en pages 37 et 38 de ce rapport que j’ai pu me procurer et que chacun peut lire ici. Cela est même repris dans la convention qui sera signée par tous les partenaires qui fait figurer en annexe le chiffre précis de 8190 emplois induits créés sans aucune mise en garde.
Pour finir ce billet mais pas ce débat, on ne peut à la fois s’élever contre les mesures d’austérité gouvernementale et en même temps financer (si l’on croit ce que l’on nous dit) la recherche publique qui est de la seule compétence de l’État. Un peu de cohérence dans les actes aurait était souhaitable…
Lors de la présentation de la délibération, Christophe Ferrari a rappelé que si la nouvelle majorité avait été dès l’origine dans la négociation du soutien public à Nano 2017, elle n’aurait pas fait les mêmes choix ni de montage de la convention, ni de projets subventionnés. Ces subventions par villes et intercommunalités n’existent d’ailleurs ni pour Ariane, ni pour Airbus, ni pour les bases sous-marins. Elles n’existent ni à Dresde en Allemagne, ni à Eindhoven aux Pays-Bas, ni à Leixlip en Irlande, les trois principaux autres sites de production de composants électroniques en Europe. Pourquoi cette exception ? A l’origine, les collectivités “remboursait” le montant de la Taxe Professionnelle “supplémentaire” perçue grâce à ces subventions. Et c’était l’ancien Conseil de la Métro qui avait voté en décembre 2013 alors que la Taxe Professionnelle avait disparu, une subvention jusqu’à 25 millions d’euros pour Nano 2017. Des négociations très âpres ont permis pendant l’été 2014 de réduire cette contribution à 10 millions d’euros. L’engagement de la Métro est ainsi réduit au minimum nécessaire.
La France n’est pas le seul pays à accompagner ses industries stratégiques. La Chine, la Corée, le Japon et les Etats Unis le font, à hauteur de dizaines de milliards de Dollars. Le marché pour les composants électroniques pèse 50 milliards de Dollars. Il commande un deuxième marché, dix fois plus important, pour les applications et objets intelligents qui ne sont pas seulement téléphones et tablettes : voitures, électronique domestique, outils de production. C’est pourquoi l’UE soutient la filière micro-électronique … et l’espace avec Ariane, la défense, Airbus.
A la Métro, on ne pouvait pas introduire dans les conventions, en trois mois de négociations et alors qu’on exigait une baisse de la contribution de 60%, des contreparties en échange du soutien financier. Mais le travail a déjà commencé pour accompagner tout soutien futur par la Métro aux entreprises de la notion de contrepartie : il peut s’agir de contreparties en termes de maintien ou de création d’emplois, de sous-traitance à l’économie locale, et de retour d’investissement en cas de « bonne fortune ». Et il est important de noter qu’un comité de suivi réunira pour la première fois tous les signataires de la convention Nano 2017, y compris la Métro, pour pouvoir intervenir en cours de route en cas de besoin, par exemple en cas de délocalisation d’activités.
pour ma part j’ai apprécié l’effort fourni par nos négociateurs, dont Eric Piolle, pour diminuer fortement la subvention et la placer dans la recherche. J’ai aussi été très intéressée par l’explication que celui-ci a donné en conseil de communauté, cela constituait un argumentaire historique documenté, c’est le contraire d’un vote aveugle, puisque les arguments qu’il avait pu développer à la Région ont été mis en face de la réalité du vote Métro d’aujourd’hui. Il faut écouter cette intervention sur l’histoire de cette technologie, son éventuelle utilité sociale, son niveau de financement, les emplois conservés ici, la non dangerosité de la technologie….faisons attention à être fidèles à nos engagements mais pas cramponnés à nos raisonnements si le contexte change.
C’est fou comme certains élus, toutes tendances politiques confondues, se lâchent quand on leur agite la bannière des nanotechnologies. Une certaine fascination dauphinoise… Certes, le microcosme politico-scientifique aide à transcender parfois la barrière des tissus politiques… C’est l’effet nano 😉 !
Par contre peu de monde (Merci Gilles !) sur la brèche pour exiger un audit indépendant des subventions attribuées depuis des années au CG comme à la Métro aux diverses start-ups iséroises.
Pas grand monde pour porter le fer contre le fait que certains laboratoires (CEA and Co) vitaminés aux subventions publiques se transforment en essaimage industriel aux retombées mirifiques en cas de brevets déposés (quand ce n’est pas une pure délocalisation ou une honteuse externalisation des produits toxiques provenant des salles blanches vers les pays du sud comme chez ST Microélectronique…).
Le Rassemblement Citoyen comporte des contradictions internes bien embrassantes alors qu’il est si prompte à dénoncer celles (bien réelles également) du PCF !
finalement, avec du recul, les emplois ont-ils été créés : direct et indirect? , avez-vous plus de précision concernant ST, et ses produits toxiques? ses salariés et la population doivent être atteint de maladie grave dans ce cas? Des délocalisation chez ST? plus d’infos factuelles sur ces sujets?