Le titre de ce billet mérite des explications pour celles et ceux qui ne fréquentent pas les universités de Grenoble. EVE (Espace Vie Étudiante) est un bâtiment construit par la Métro (communauté d’agglomération) pour le compte des universités en 2003. L’histoire de ce lieu et de sa gestation est résumée ici. Ce bâtiment est géré depuis ses débuts par une association étudiante qui aujourd’hui compte plus de 1600 adhérents et à laquelle les universités ont confié une délégation de service public (DSP) pour cela. EVE offre des services (bar, restauration légère, accès wifi, aide spécifiques aux étudiants étrangers pour leur accueil et leurs démarches, salles de réunion et de concerts,…) et aussi l’hébergement d’autres associations dont une radio étudiante : radio campus 90,8. Elle a aussi créé une pépinière pour aider les associations en gestation. Bref c’est un lieu unique géré pour et par les étudiants, qui ne ferme pas à 20h comme les lieux du CROUS et où les prix sont presque sans marge.
Trop beau pour ne pas attirer les convoitises… Au prétexte d’un déficit annoncé sans des subventions d’équilibre à la hauteur, l’Université Pierre Mendès-France gestionnaire du lieu décidait l’an dernier de remettre en cause cette DSP et de lancer un nouvel appel d’offres à géométrie variable : l’animation pour les associations étudiantes candidates, le bar, la restauration et la gestion du lieu pour le CROUS ou le privé qui “savent faire”. Tollé chez les étudiants qui mobilisent vite et largement. Une pétition “Sauver EVE” recueille à ce jour 1974 signatures. Je fais aussi un billet au début de l’année sur cette question dans le journal de la Métro. Entre temps le regroupement des universités dans la future “Université de Grenoble” fait transférer EVE de l’UPMF au Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur de Grenoble (PRES), embryon de l’université unique. Changement de braquet : les activités ne seront plus séparées dans deux DSP, mais resteront confiées au même gestionnaire.. Un dernier appel d’offres est lancé pour une réponse demain au plus tard auprès des associations ou entreprises candidates. Tout semble aller pour le mieux, mais… un coup de force tente de prendre le contrôle de l’association qui gère EVE depuis huit ans; d’abord par des candidatures au Conseil d’Administration qui semblent amicales, mais se révèlent lourdes d’intentions cachées. Le nouveau CA issu de la dernière AG décide plusieurs choses : changement du bureau et de la présidence de l’association, décision de ne pas candidater à l’appel d’offres et dévolution des biens de l’association (environ 100 000 € estimés) au PRES. Il s’agit essentiellement d’ordinateurs, de mobiliers, de matériels scéniques. Cette manœuvre est orchestrée par l’UNEF qui a perdu beaucoup d’influence parmi les étudiants comme le montrent les dernières élections. Elle me rappelle les luttes d’influence et les batailles d’AG entre l’UNEF-ID et l’UNEF-SE dans les années 70.. Les pratiques ne changent guère..
Hier une AG était convoquée pour la forme par la nouvelle équipe. J’y suis allé pour être informé de cette question qui regarde aussi la Métro qui a financé et construit le bâtiment. L’accueil était spécial : personnel de sécurité, mise en place de barrières pour éviter toute tentative d’intrusion en force, filtrage strict des entrées des adhérents… Dès le début la nouvelle présidente annonçait que l’AG ne pouvait se tenir en vertu de nouveaux statuts qui auraient été adoptés en CA : majorité absolue requise (soit plus de 1600 personnes) contre 60 prévus dans les statuts précédents. La séance était levée et malgré 180 étudiants qui voulaient débattre la dizaine de membres de la nouvelle équipe battait en retraite en parlant d’aller en justice… Néanmoins l’ancienne équipe faisait alors remarquer que tout cela était illégal, que des statuts se modifient en AG pas en CA et que rien n’avait été déposé comme il se doit en Préfecture. L’AG continuait donc et votait à l’unanimité toutes les résolutions qui défaisaient les décisions prises récemment. Cela peut se terminer en justice dont on connait la lenteur avec le risque d’une fermeture d’EVE et l’arrêt de ce service aux étudiants. Cette triste situation désespérait d’ailleurs les promoteurs d’EVE que j’ai rencontrés sur place.. Suite dans quelques semaines après l’étude des réponses à la DSP et leur prise en compte ou non par le PRES. Il serait grand temps pour les universités et les collectivités de réagir et de siffler la fin de partie.